...un danger potentiel pour nos chiens que nous connaissons peu.
Les algues bleues, qui répondent au nom scientifique de cyanobactéries, intéressent beaucoup les équipes de toxicologie animale depuis quelques années. Ces micro-organismes sont en constante augmentation ces dernières années et peuvent se révéler toxiques pour de nombreuses espèces animales, dont le chien et, dans une moindre mesure, pour l’homme.
Un article paru en Novembre 2004 dans « le point vétérinaire » a servi de support principal à mes lignes. Il débutait ainsi:« Les praticiens doivent se préparer à être confronté de plus en plus souvent à des intoxications par cyanobactéries, qui constituent un danger à la fois pour la santé animale et pour la santé publique ».
Les intoxications animales par les cyanobactéries sont connues depuis le début des années 1980, décrites aux Etats-Unis puis en Australie. En France, les premiers cas ne furent décrits qu’en 2003 dans le Tarn et le Jura.
Les cyanobactéries sont présentes sur terre depuis au moins trois milliards d’années et ont colonisés presque tous les milieux terrestres et aquatiques. Il en existe près de 2000 espèces différentes réparties en 150 genres. Elles ont une prédilection pour les eaux douces et calmes. On peut donc les trouver dans n’importe quelle retenue d’eau ou étang mais aussi, depuis peu, dans de l’eau courante. Elles ont été nommées algues bleues en raison de leur couleur bleu-vert et parce qu’elles présentent à la fois les caractères des bactéries et des algues. Ces micro-organismes sont en augmentation constante partout dans le monde, conséquence des changements climatiques et de la pollution. Autre facteur récemment identifié, l’eutrophisation des plans d’eau, c'est-à-dire leur contamination par les dérivés organiques qu’utilise l’agriculture moderne.
Certaines de ces cyanobactéries produisent des substances chimiques toxiques, les cyanotoxines. On en distingue principalement trois variétés selon qu’elles agissent sur la peau (dermatotoxines), le foie (hépatotoxines) ou le système nerveux (neurotoxines).
Les dermatotoxines sont, hors cas particulier, celles qui concernent le plus l’homme en provoquant une irritation de la peau, des yeux, du nez et de la gorge. Ce sont les deux autres variétés de cyanotoxines qui sont responsables des accidents sévères, souvent mortels, chez de nombreuses espèces animales : animaux domestiques dont le chien et le chat, poissons, grenouilles, oiseaux d’eau mais également le chevreuil.
Ces toxines sont présentes en grande quantité lors des périodes de proliférations de ces algues, périodes appelées efflorescence ou « bloom » ou encore « fleurs d’eau » et qui se traduit par une augmentation rapide et importante de la masse de ces organismes. Cette efflorescence survient principalement en période estivale, dès que les températures dépassent 18°, et est d’autant plus marquée que les températures sont élevées. Les plans d’eau touchés voient leur surface se recouvrir d’une couche de couleur bleu-vert typique leur donnant un aspect peu engageant pour le regard humain. L’existence de courants de surface peut pousser les algues sur les berges où elles forment une épaisse couche d’écume.
Les animaux sont intoxiqués suite à l’ingestion d’eau ou de vase souillées par ces algues. Les jeunes animaux sont particulièrement sensibles, de faibles quantités suffisant à provoquer la mort. Le simple fait pour un chiot de lécher son pelage souillé par cette eau peut suffire.
Les hépatotoxines modifient la structure du foie et peuvent entraîner des hémorragies intra hépatiques. Elles agissent également sur le muscle cardiaque, les poumons, les intestins et surtout les reins.
Les neurotoxines ne sont présentes en France que depuis 2002-2003 et agissent principalement sur le cerveau. Elles provoquent des convulsions rapidement suivies du décès de l’animal par paralysie respiratoire. Quelques fois, le tableau se résume à une mort par asphyxie dans les minutes ou les heures suivant l’ingestion de l’eau contaminée.
Le diagnostique de ces affections est probablement sous évalué et le plus souvent posé au stade…de l’autopsie !
En pratique, ce sont la convergence d’arguments cliniques et épidémiologiques qui doivent faire évoquer le diagnostique. Les arguments épidémiologiques sont l’apparition de troubles nerveux survenus peu après une baignade en eau douce mais également l’évolution rapide des signes cliniques. La connaissance d’une efflorescence récente sur le plan d’eau concerné ou de décès inexpliqués d’autres animaux à proximité sont un excellent indicateur. Quant aux arguments cliniques, ils reposent essentiellement sur la découverte, dans le contenu gastrique de l’animal, de vase ou d’eau colorée.
Le traitement vise dans un premier temps à stopper les symptômes neurologiques, le plus rapidement possible, par l’administration d’un anticonvulsivant (Valium* ou Gardénal*). Une fois l’état de l’animal stabilisé, il convient de lui vider l’estomac par un lavage gastrique et de protéger le rein par l’administration d’un diurétique. Si la nature exacte de la toxine peut être identifiée dans le contenu gastrique, un traitement spécifiquement dirigé contre celle-ci peut être entrepris.
Comme bien souvent, la prévention est le meilleur traitement. On citera sans détailler les tentatives de réduction de l’efflorescence, notamment par la maîtrise des processus d’eutrophisation des eaux, la déclaration des cas suspects aux services préfectoraux compétents, la fermeture et la surveillance des sites infestés et enfin, le traitement des eaux si celles-ci doivent servir d’eau de boissons pour les animaux domestiques ou l’homme. Concernant nos chiens, et je site là mon propre vétérinaire : « Il faut rester logique, le principe de précaution veut qu’on évite d’envoyer un chien dans une eau où nous-mêmes n’aimerions pas aller ! »
Dr. Jean-Marc Wurtz